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What a glorious day !
1 avril 2008

"Les lions d'Al-Rassan" de Guy Gavriel Kay

couv_lions_alrassanL'inauguration aura donc bien lieu, et, pour se faire, je débuterai par Les lions d'Al-Rassan, rédigé par le canadien Guy Gavriel Kay en 1995, auteur de La Tapisserie de Fionavar et de Tigane.

L'intrigue est la suivante : dans l'Espéragne divisée entre l'empire d'Al-Rassan essentiellement peuplé d'asharites adorateurs des étoiles d'Ashar et l'ancienne Espéragne du nord habitée par les jaddites fils du Dieu-Soleil Jad, se rencontrent et se lient une médecin kindath, un capitaine jaddite et un poète asharite.

L'ouvrage de Kay, rattaché au courant de la fantasy historique, est un roman exigeant et documenté qui trouve son cadre dans une réalité historique : celle de l'Espagne du IXe siècle au temps de laquelle les musulmans -les asharites- s'étaient fait maîtres d'une grande partie de ce territoire chrétien -jaddite donc. L'époque, transitoire, est trouble : des rois meurent et se succèdent, des territoires sont divisés, des frontières réécrites et, quand la religion s'en mèle, des croisades se mettent en route.

C'est cette histoire que raconte l'auteur. Histoire qu'il agrémente -par le biais d'une fantasy qui lui permet de tordre à l'envie la réalité historique- d'interactions romanesques entre ses personnages principaux et secondaires, tous brillamment décrits et formidablement attachants. Et c'est aussi là l'intérêt de ce roman, qui narre les péripéties de ces individus qui, bien qu'acteurs, se trouvent dépassés et emportés par l'Histoire. A l'aube d'un changement que l'on pressent imminent tout au long du récit, chacun, à sa manière, tente de se forger une place dans cet univers, fragile, délicat et si instable. Rassemblés un bref moment dans la miraculeuse cité asharite de Ragosa, les personnages pensent à ce futur proche qu'ils espèrent plus digne et qu'ils savent semblable à ce qu'ils connaissent. La violence et le dur réalisme les rattraperont bien vite, la fin des asharites approche et un soldat jaddite mélancolique en pleure, les fontaines et les jardins ne seront plus, remplacés, peut être détruits, on ne saura pas.

Je le disais, les personnages sont à peu près tous fabuleux, même les seconds couteaux. Il y a Jehane, jeune femme kindath et médecin au caractère bien trempé, narratrice principale  se tenant bien droite au côté de deux hommes exceptionnels qui n'auraient jamais du se rencontrer : Ammar, poète et bien d'autres choses, subtil asharite qui a trahi et fut trahi et Rodrigo, chef de guerre jaddite à l'intelligence foudroyante. Deux personnages flamboyants qu'il m'est difficile de caractériser, tellement je serai encore très loin de les approcher. Deux hommes que le hasard et l'existence méneront à s'affronter alors même qu'ils les avaient réunis. L'ironie du destin est foudroyante dans ce roman.

De là, se dessine une intrigue principale prenante dans le cadre de laquelle Kay n'hésite pas à jouer la carte du suspens insoutenable en révélant certaines informations au compte goutte. A cet égard, la fin du roman nous laisse lancinant, dérouté et même empli d'un spleen mordant. Très instructif, et très bien écrit pour de la fantasy -courant se caractérisant malheureusement trop souvent par un sacrifice de la forme par rapport au fond-, le roman à un autre point fort, la quasi-absence de manichéisme. Il est vrai que la fantasy fait de plus en plus l'objet aujourd'hui d'intrigues complexes ne se caractérisant plus nécessairement par l'affrontement du bien et du mal. Mais il est à noter que ce livre a été publié il y a plus de 10ans, faisant de Kay un précurseur en la matière.

Je conseille donc, de manière insistante, ce livre, dont je découvre de nouvelles facettes à chaque lecture. Un roman parmi les plus subtils et durs qui m'ait été donné de lire, un roman lumineux aussi, d'une mélancolie lancinante et engagée, un roman au style particulier, lyrique sans trop l'être, direct sans trop y penser. Et c'est sans doute car il manque une étincelle, un brin de folie dans cette écriture que je dirai que Les lions d'Al-Rassan n'est pas un chef d'oeuvre. Il s'en est fallu de peu.

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