"Les vampires de Manhattan" de Melissa de la Cruz
Où Gossip Girl s'intéresse aux compagnons de Buffy, vêtus tout de Chanel accessoirisé d'un Birkin. Ou le guilty pleasure ultime. Celui qui conjugue votre intérêt plus que douteux pour la mode et ses superficialités étranges et votre passion carrément morbide pour les légendes vampiriques. Deux des thèmes les plus en vogue chez les midinettes de 15ans -dont je ne fais assurément pas partie, cela tombe sous le sens. Pas bête la guêpe ! Melissa de la Cruz, en bonne opportuniste, n'a pas dû chercher un éditeur bien longtemps.
Ne nous leurrons donc pas, Les vampires de Manhattan, est agréable à lire car il répond à toutes nos -malencontreuses- attentes d'adolescente, adolescente que nous avons toutes répudiées mais qui, de temps à autre, pointe le bout de son nez pour nous faire regarder un épisode de Gossip Girl ou nous pousser à acheter un tel ouvrage. Ce n'est pas de ma faute, je suis simplement possédée, donc. Tout de même, nous nous devons de sauvegarder notre esprit critique et dire haut et fort que Les vampires de Manhattan est un livre tragique. Rien de moins.
Rien qu'au titre et à la couverture, on pouvait bien se douter de la qualité intrinsèque, certes. La quatrième est un délice pour les cyniques. Jugez plutôt ma version condensée : Theodora, jeune fille un peu moins superficielle que ses camarades -elle est gothique !-, voit sa pauvre vie de petite fille riche troublée par la mort d'une de ses camarades. Overdose, assassinat ? Elle hésite, surtout que Jack, le beau gosse de son lycée huppé, lui adresse pour une fois la parole en lui affirmant pencher pour la deuxième solution. Oh, mais que cela cache t-il ?
Bon, voilà. Encore un truc qui surfe sur la vague, une vague pas bien haute soit dit en passant, Fascination est quand même bien loin d'avoir autant de qualités qu'au hasard Harry Potter pour rester dans le roman jeunesse. Lui même souffrant déjà de faiblesses, imaginez le niveau. Bref, ce n'est pas bon. Et ça ne se contente pas de l'être.
L'auteur, semble t-il, veut nous transmettre son enthousiasme pour sa ville, elle tente donc de nous décrire ce Manhattan chic. Evidemment, ça ne prend pas, car tout est d'une platitude folle : "le flot de taxis jaunes", ou les "je ne me lasserai jamais des buildings" en témoignent. Les vampires de Manhattan est un roman mal écrit, et d'une pauvreté rare. Je ne parlerai pas plus de la forme, ce serait tirer sur l'ambulance.
Les personnages sont tous plus -l'héroïne petite chose fragile mais forte à la fois, sauvée des griffes du loup par son chéri ou son ennemie, cliché blond hystérique- ou moins -les adultes- pathétiques. Du bonheur en barre, mangez en ! Car s'ajoute à ce joyeux tableau la fameuse histoire d'amour impossible -mais possible à la fin du dernier tome- prétexte d'une telle pagaille.
Quant à l'intrigue elle est loin d'être maitrisée : l'auteur se concentre sur des détails insignifiants -Machin est jolie comme un cœur, Truc est beau comme un dieu- et passe très rapidement sur les meurtres et développements concernant les fameux sang-bleus. Car, oui, l'auteure revisite le mythe du vampire -c'est la mode- : ceux ci ne craignent ni le soleil ni l'eau bénite mais exercent une fascination quasi-grotesque sur les humains, ces gueux. Les vampires sont plus intelligents que la moyenne, plus beaux et surtout plus maigres que nous. Certains passages restent plutôt intéressants, notamment ceux qui exposent les institutions et l'histoire des vampires, mais l'auteure ne s'y attarde jamais vraiment longtemps. Au final, l'impression qui s'en dégage le plus nettement est celle du baclage : tout va trop vite, on saute d'une question à une autre, on ne développe rien, on effleure les thèmes les moins superficiels, on s'envole vers la sottise, on se dégage du reste.
Bref, un roman tout à fait opportuniste, reflet de cette autre littérature, qui, de temps à autre, me dérange beaucoup. Parce que je ne pouvais lâcher ce roman alors que je savais pertinemment que j'étais en train de lire un truc réellement mauvais. Je n'irai pas plus loin dans l'analyse, les conclusions s'imposent d'elles même.